Les 2 principes fondateurs d’une culture résiliente à travers le prisme du numérique

Ces deux dernières années, nous avons vécu des transformations profondes de la société via les technologies numériques avec la pandémie covid-19. L’usage de « nouvelles » technologies est à chaque fois considérée comme nouveauté selon les époques respectives : le mail, l’open source, linux, internet, le smartphone, le web 2.0, le big data… Plusieurs (r)évolutions ont transformé les relations humaines. La pandémie, quant à elle, a changé les usages concernant le rapport que nous avons au télé-travail en entreprise et a promut le numérique dans nos liens sociaux. Depuis 30 ans, l’évolution numérique est une affaire de temps et d’espace. Tandis que le temps semble s’homogénéiser autour du sentiment d’urgence propre à notre époque, les espaces virtuels s’ouvrent proposant ainsi un gain sur la matière. L’exemple le plus probant fut celui des « open space », ou espaces collaboratifs, des espaces ouverts conçus avec très peu de rangement, puis très vite des solutions 100% digitalisées ont été mises en place pour contrer la pandémie. Les technologies numériques changent notre rapport au temps en y intégrant des temporalités différentes, ou heures de travail et de loisirs s’entremêlent et où les liens sociaux (forts ou faibles) sont stimulés en permanence.

#1 Transparence et confiance ne vont pas de pairs

Avec le numérique, l’évolution technologique est assimilée à une transformation, pour ne pas dire une mutation, et semble toucher la structure de base de l’organisation car l’impact est aussi fort sur le collectif que représente l’organisation que sur les individus eux-mêmes. Elle touche toutes les sphères de la vie professionnelle et privée. L’antagonisme qui consistait à évaluer ce qui est externe ou interne, privée ou publique, laisse place à un flou constant. Depuis l’avènement du smartphone, il semblerait que le web soit devenu le point d’entrée de toutes les activités humaines de communication dans les sociétés industrielles. Et, cette tendance ne fait que croître à travers le monde. La technologie a gagné la confiance des utilisateurs tandis que la critique porterait davantage sur les usagers eux-mêmes et ce qu’ils font.

La transparence paraît être plus la somme d’intérêts individuels, en comparaison à la confiance qui est un travail collectif de longue haleine, pour l’intérêt commun et basé sur la transmission d’un savoir.

Les individus et les technologies sont pris dans des dynamiques d’adaptation tandis que l’accès à l’information devient un facteur déterminant dans une logique de compétition accrue. Le mythe de la transparence, favorisé par la confiance des utilisateurs dans des systèmes de plus en plus abstraits, s’accompagne, paradoxalement, d’un déclin de la confiance entre les individus. Le web s’inscrit comme un lieu qui semble satisfaire le mythe de la transparence.

Le développement de l’intelligence artificielle semble également répondre à tous les maux de la société et apporter des solutions à des problématiques sociales. Alors que les outils numériques se spécialisent par métiers et apportent une aide de plus en plus personnalisée, à travers la notion d’UX, user experience, qui veut dire expérience utilisateur dans tous les pans de la société, le smartphone semble être devenu une extension de soi-même.

L’internaute peut veiller et donc surveiller toutes les informations dont il aurait besoin pour comprendre et appréhender plus facilement l’information qu’il est en mesure d’obtenir. Pourtant, là où nous pourrions ressentir une dérive dans la logique de transparence, elle paraît être plus la somme d’intérêts individuels dans notre monde moderne, en comparaison à la confiance qui est un travail collectif de longue haleine, pour l’intérêt commun et basé souvent sur la transmission d’un savoir incarné et validé par tous.

#2 L’innovation, un concept qui incarne les utopies cybernétiques

Depuis ces dernières années, il est frappant de constater dans le discours cette injonction à innover en permanence. L’innovation est comme une « chose » en mouvement et pose un cadre qui va permettre la croissance, la transparence, la collaboration. Un concept d’autant plus marqué dans un environnement incertain. Cette même innovation est incarné par la figure de l’entrepreneur, avec cette idée que l’individu seul peut faire beaucoup de choses. Nous avons tous en tête l’image de l’entrepreneur du numérique, seul dans son garage. La prophétie de l’innovation fait la part belle aux technologies numériques. Dans une logique de transformation de la société, le concept d’innovation est porteur de fantasmes et de croyances qui traduisent une volonté forte de penser un humain en devenir. Un futur constamment nourri par un idéal de progrès à travers des récits et des actions comme ceux entourant la conquête spatiale.

L’innovation est un concept intéressant dans sa mise en œuvre car il dénote des contradictions, des paradoxes et des souhaits qui jalonnent une organisation marchande. Il y a d’un côté le besoin de progresser avec une démarche très structurée, mécanique et aboutie. La raison technicienne est à l’œuvre et d’une certaine façon, elle semble confisquer ce futur en devenir. Peu résiliente, elle intégre des schémas de pensées très linéaires : indicateurs quantitatifs, logique financière analytique, règles et procédures, chartes, etc. Un certain nombre d’outils qui, par la force des choses, cristallisent des territoires symboliques et impose un ordre social.

Les organisations du XXIème siècle ont reconditionné le numérique et lui ont donné une valeur sociale.

D’un autre côté, l’innovation semble imprévisible et concerne ce qui n’est pas mesurable en somme.  C’est une approche du futur dans laquelle le mythe du progrès est à l’œuvre à travers des récits et des actions de la vie quotidienne qui vont permettre la mise en place d’une organisation d’individus résiliente, basée sur la notion de réseau. Pour revenir à l’entrepreneur de Schumpeter[1], l’individu doit compter sur lui-même, se créer un réseau, animer une communauté d’intérêt ou entrer dans une communauté d’intérêts. Il s’agit de créer un capital social en sachant mettre en avant ses résultats et les présenter. Les schémas organisationnels du XXème siècle doivent faire face auhourd’hui à une restructuration complète avec une approche réticulaire de l’innovation (notion de réseau). Les organisations du XXIème siècle ont reconditionné le numérique et lui ont donné une valeur sociale.


[1] Deblock, Christian, « Présentation du dossier : Innovation et développement chez Schumpeter », Revue Interventions économiques 46 | 2012 (En ligne) http://journals.openedition.org/interventionseconomiques/1852 (Consulté en avril 2018)

[2] Flichy, Patrice, 2014, op. cit., p.8.