sciences sociales et marketing

L’ethnométhodologie pour saisir les activités de la vie quotidienne

La construction d’un écosystème d’affaires et la digitalisation des process supposent de prendre des décisions et de mener des projets par des salariés de l’entreprise, y compris par le consultant-chercheur qui accompagne l’entreprise. Dans ma pratique web, j’ai eu l’occasion d’accompagner des structures dans leurs stratégies de communication et marketing au sein des entreprises et je me mets volontairement dans une position qui m’inscrit comme une cheville ouvrière de l’écosystème d’une organisation. A travers une démarche ethnométhodologique, Il s’agit, à la fois, de rendre compte d’une action en l’expliquant, et également de rendre compte de son contexte qui à son tour produira d’autres actions.

La logique actuelle gestionnaire enferme la communication dans un rôle opérationnel en la considérant comme un outil plutôt qu’un réseau à construire.

Les technologies numériques intègrent l’agir social dans différentes temporalités. Les évènements se produisent dans une simultanéité de ces temporalités et entraînent les individus dans un contexte de relations complexes. La question de la méthodologie se pose alors pour saisir les enjeux autour de la construction d’un écosystème web. L’approche ethnométhodologique apparaît comme étant une perspective méthodologique compréhensive. Garfinkel s’inspire de l’école de Chicago pour définir l’ethnométhodologie comme une approche alternative et singulière. Cette démarche a été initiée dans les années cinquante, dans la continuité des travaux des interactionnistes de l’école de Chicago[1].

L’ethnométhodologie permet de contextualiser les phénomènes étudiés en faisant un lien entre les connaissances théoriques et les faits observés et vécus. C’est une approche qui permet d’expliquer le sens qui est donné à des pratiques sociales à partir de l’observation des actions banales du quotidien[2]. Relié à la sphère sociale dans laquelle il évolue, cet objet dynamique qu’est l’écosystème web place les salariés de l’entreprise dans des logiques paradoxales dans lesquelles se mêlent logiques marchandes et stratégies identitaires.

Au sein d’une entreprise, le consultant-chercheur sera capable de décrire les pratiques des salariés et de s’en faire une représentation singulière. Les salariés adoptent un certain nombre d’actions qui les intègrent dans un contexte social propre à l’organisation. Étudier leurs manières de faire, de penser, de dire nous permet alors de comprendre les contextes sociaux spécifiques dans lesquels ils évoluent :

« Lorsqu’on demandera aux uns et aux autres ce qu’ils « savent » et ce qu’ils « font », ceux dont les savoirs ou les savoir-faire sont objectivés (et donc socialement clairement identifiés, nommés avec quelque autorité) auront plus de facilité à « déclarer » leurs savoirs et leurs pratiques. »[3]

 Un salarié est en situation de tester des outils numériques à travers soit une pratique domestique, soit une pratique professionnelle. Dans le cas de la pratique professionnelle, il s’agit d’usages prescrits qui le renvoient cependant à des pratiques personnelles du web et à l’exploration de nouvelles configurations. L’ethnométhodologie s’inscrit complètement dans un contexte de pratiques « qui donne chair et sens aux mots et qui ne se transmet que par partage »[4].


[1]Amiel, Philippe. Ethnométhodologie appliquée: éléments de sociologie praxéologique, Ethnométhodologie appliquée : éléments de sociologie praxéologique,. Presses du Lema, pp.209, 2010, 978-2-9534622-0-3. <hal-00848731> P.18 (En ligne) https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00848731/document (Consulté en avril 2018)


[2] Lahire Bernard. L’esprit sociologique. Paris, La Découverte, 2007, p.142.

[3] Amiel, Philippe. Ethnométhodologie appliquée: éléments de sociologie praxéologique, Ethnométhodologie appliquée : éléments de sociologie praxéologique,. Presses du Lema, pp.209, 2010, 978-2-9534622-0-3. <hal-00848731> P.18 (En ligne) https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00848731/document (Consulté en avril 2018)


[4] Coulon, Alain. L’ethnométhodologie:«Que sais-je?» n° 2393. Paris, PUF, 2014.